Le yoga : Mon art de vivre 1/3

par | 16 Juin 2023 | État d’esprit (positif et constructif), Yoga

TEMPS DE LECTURE : 9 minutes

INTRODUCTION

Cet article exprime ce que représente selon moi la quintessence du yoga, distillée par ma pratique personnelle.

Notre référence sera les Yoga-Sutras[1] de Patañjali, un recueil de 195 aphorismes « sûtra », qui décrivent la voie à suivre pour parvenir à la délivrance (moksha). D’après Patañjali, « les causes de souffrance sont l’aveuglement, le sentiment de l’ego, le désir de prendre, le refus d’accepter, l’attachement à la vie »[2]. Quant à sa définition du yoga, il s’agit de « l’arrêt des perturbations du mental »[3]. Ainsi, lorsque l’agitation de l’esprit cesse, notre centre se révèle et cette équanimité[4] de l’âme dévoile notre conscience profonde. Or, pour arriver à cette sereine clarté, une pratique soutenue dans un état d’esprit de lâcher-prise est nécessaire. De la sorte, la finalité, l’expérience du Samadhi est possible. Il s’agit de l’état déconditionné, d’unité parfaite. Le yoga nous y mène par la pratique disciplinée de ses huit membres[5], les huit angas (ashtanga) suivants :

    Livre_Yoga-Sutras

    Le yoga n’est pas qu’une pratique, les postures (« asanas ») ne représentent qu’1/8ème de la totalité du yoga qui est avant tout une philosophie de vie. Son essence repose sur les huit branches précitées. Ainsi, nous explorerons comment vivre quotidiennement plus connecté(e)s à la conscience profonde, centré(e)s sur cette voie royale jusqu’à l’éveil, état de pure conscience, le « Samadhi ».

    Dans ces trois articles, nous parcourrons chaque membre, puis nous les rapprocherons de ma vie personnelle. Nous observerons les difficultés rencontrées lors de leur pratique et comment mieux les incarner.

    1. YAMA

    Le yama représente le code de conduite à adopter. Il indique les règles qu’un(e) yogi(ni) doit respecter dans son rapport aux autres.
    Il existe cinq yamas :

    • Ahimsa : la non-violence ;
    • Satya : la vérité ;
    • Asteya : le désintéressement, le fait de ne pas voler ;
    • Brahmacarya : la modération, l’abstinence ;
    • Aparigraha : le non-désir de possessions inutiles.

    « Le yoga libère le corps et l’esprit. »

    – Justine –

    AHIMSA

    Ahimsa est la quête d’harmonie avec le monde extérieur, car pour s’unir au Grand Tout, il faut commencer par s’unir entre nous et en soi-même. Ainsi, afin de parvenir au vivre-ensemble de manière responsable, paisible et durable, un(e) yogi(ni) cultivera des pensées, des paroles et des comportements non violents. Pour ma part, ahimsa est une aspiration de toujours. Par exemple, durant un conflit je préfère me retrouver seule pour me calmer, recouvrer ma clarté d’esprit, plutôt que d’exprimer impulsivement ma colère au risque d’utiliser un ton et des mots agressifs. Gandhi et Martin Luther King nous ont prouvé que « si quelqu’un est installé dans la non-violence, autour de lui, l’hostilité disparaît »[6], du moins en partie. Certains états tels que la fatigue, l’anxiété, l’ego, la colère ou toute réaction impulsive, peuvent troubler la pratique d’ahimsa. Pour rééquilibrer cela, nous pouvons méditer sur l’opposé de ce qui est ressenti. Ce qui m’aide à alimenter ou à retrouver la paix, c’est d’entretenir un système nerveux serein grâce à une bonne hygiène de vie, comme une alimentation saine, un sommeil suffisant et une activité physique régulière, d’avoir un dialogue intérieur constructif et apaisant, de m’accorder des moments seule pour souffler et méditer. De plus, pour éviter l’irritabilité provoquée par mes changements hormonaux, je consomme des compléments alimentaires régulateurs. Dans mon rapport aux autres, cela passe par revenir à l’amour, l’empathie et la compréhension, ou encore d’avoir une communication assertive et des interactions respectueuses.

    SATYA

    Il est crucial de cultiver satya (la vérité), car « quand on est vrai, on échappe à l’illusion, aux pièges du mental. Alors, la conscience profonde guide des actes qui deviennent justes, adéquats et produisent des fruits appropriés »[7]. Ainsi, en étant à l’écoute de mes intuitions quant à ce qui est véritablement bon et juste pour moi, je suis à ma place, alors j’accomplis mon dharma[8]. Pour cela, il est essentiel d’écarter toutes les pensées parasites, les croyances limitantes, l’auto-sabotage, qui entravent la guidance intuitive. Ma pensée est satya lorsqu’elle discerne bien, c’est-à-dire quand elle évite les distorsions cognitives et se cantonne aux faits plutôt qu’elle n’interprète, n’extrapole, ne juge, n’affirme des suppositions, ne rumine et ne dramatise les vécus en les chargeant d’émotions parasites. Sans cette clarté de l’esprit, mes comportements ne sont pas justes. Ainsi, j’apaise mes émotions et sentiments pour raisonner avec objectivité. De même, l’introspection est satya quand on est vrai(e) envers soi-même, qu’on observe aussi bien l’agréable que le désagréable. Refusant le déni, on ne perçoit pas les choses comme notre ego voudrait les voir, mais comme elles sont plus réellement. Aussi, je peux mieux m’adapter à la situation, apprécier le positif et améliorer ce qui peut l’être. Quant à ma parole, elle est satya quand elle est honnête envers autrui et cela permet de tisser des liens authentiques et de confiance. À l’inverse, le mensonge, les non-dits, l’hypocrisie, le manque de fiabilité et la trahison sont autant d’indicateurs qu’il est préférable de se méfier et de se distancer de la personne en question. Ainsi, le mensonge me rebute, puisqu’il engendre l’hostilité séparatrice. La vérité n’est certes pas toujours facile à exprimer, puisque assumer ses paroles et/ou ses actions négatives requiert du courage et de l’humilité. En effet, il est difficile de faire face au jugement des autres, alors que l’on a besoin de ressentir leur acceptation.[9] Or, en alimentant son réservoir d’amour-propre, on peut affronter les critiques avec stabilité, comprenant que si l’on a mal agi, cela ne fait pas de nous une mauvaise personne.

    ASTEYA

    Asteya est le principe selon lequel il ne faut pas voler une idée ou un objet, ni ne désirer ce qui ne nous appartient pas. Je me souviens adolescente avoir volé une gomme à 20 centimes. La honte et la culpabilité m’ont envahie à la sortie du magasin, car j’avais agi à l’encontre du bien commun, de manière immorale et non par besoin. Ainsi, j’ai compris que priver quelqu’un de son bien ou de l’argent qui lui est dû est égoïste. Par conséquent, il est important de ne rien voler, ni envier pour ne pas blesser l’autre, ni troubler son propre esprit avec des sensations et sentiments tels que le manque, la peur, la gêne, la honte et la culpabilité. De même que je n’attribue tout le mérite d’une chose qu’à la personne qui en est vraiment l’auteur(trice), afin d’être vraie et ne susciter aucune injustice blessante. D’ailleurs, « quand le désir de prendre disparaît, les joyaux apparaissent. »[10] C’est-à-dire les éléments qui ont réellement de la valeur (hormis les besoins vitaux), ceux détachés de la matière comme la santé, le contentement, la bienveillance, la compassion, l’amour-propre, la positivité, la gratitude, la foi, la pleine présence, la sérénité, la clarté, le partage et la joie de vivre. Vivre ces qualités procure une paix intérieure et un réel sentiment de plénitude. Le besoin de posséder toujours plus est une illusion, un piège de l’ego. Ainsi, je n’attends plus que quiconque ni quoi que ce soit d’extérieur ne comble mes besoins intérieurs, préférant regarder au-dedans, pour puiser en moi-même la ressource nécessaire pour me sentir comblée et tendre à plus d’harmonie.

    BRAHMACARYA

    Brahmacarya (l’abstinence) permet d’éviter les retombées négatives causées par des comportements excessifs et/ou impulsifs. En effet, on regrette généralement de s’être emporté(e), d’avoir dit le mot de trop, d’avoir consommé démesurément (nourriture, alcool, vêtements, objets, sexe, etc.) et cela cause de la souffrance. Ainsi, en ne succombant pas à tout désir, ni à chaque pulsion, on préserve notre bien-être psychique, physique et relationnel. Par exemple, si mon corps ressent la faim, j’y réponds en l’alimentant. Or, si j’ai envie de sucre et que cette gourmandise cherche à compenser un état d’âme, j’essaie de m’abstenir, car je sais que cette toxine augmentera mon mal-être. « L’être établi dans la modération gagne une bonne énergie de vie »[11]. Effectivement, brahmacarya dans l’alimentation c’est notamment s’abstenir lors de fringales sucrées et/ou malsaines, limiter les verres de vin, puis jeûner (action prônée par les médecins, notamment puisqu’elle détoxifie l’organisme, renforce le système immunitaire, réduit les maladies, redonne du tonus au corps et ralentit le vieillissement cellulaire…). Or, s’il est bon de savoir se retenir, l’équilibre se trouve dans la modération. Ainsi, il est important de savoir lâcher du lest, pour se faire plaisir de temps en temps. Brahmacarya dans le couple se manifeste par la fidélité envers son/sa partenaire. Brahmacarya dans la communication, c’est savoir filtrer ses pensées et ses paroles, pour ne partager que celles qui sont intéressantes, utiles et agréables pour les autres. C’est également s’interdire d’échanger sur des sujets sensibles si l’on est fatigué(e), énervé(e) et/ou affamé(e), car ces états nous rendent particulièrement réactifs(ives), provoquant de l’agitation intérieure et des conflits potentiels avec autrui. Brahmacarya vis-à-vis de ce qui est matériel, c’est s’empêcher d’amasser trop d’affaires pour ne choisir que l’essentiel, afin de moins polluer notre environnement. Ralentir et pratiquer la pleine présence aide à favoriser brahmacarya, puisque cela entretient la sérénité de notre système nerveux. En étant moins réactif(ive), on peut davantage mesurer l’impact de chaque action, pour n’agir qu’en pleine conscience. Ne pas savoir réfréner nos impulsions démesurées et/ou destructrices trouble notre psychisme, agite notre corps et sabote nos relations. C’est donc l’ensemble de notre vie qui finit par se dégrader.

    APARIGRAHA

    Aparigraha (la non-possessivité) est le fait de pratiquer le lâcher-prise quant à l’attachement aux choses, aux gens, aux pensées, aux émotions et au dénouement. Pour ce qui est matériel, « celui qui ne se préoccupe jamais de l’acquisition de biens inutiles connaît la signification de la vie »[12]. De la sorte, on vit de manière essentielle, dépouillée du superflu, sans fardeau. En ce qui concerne les dénouements, il m’est souvent arrivée d’être triste de devoir renoncer à un projet, jusqu’à ce que je m’aperçoive avec le temps que la vie me réservait une meilleure perspective. Cela m’a donné la foi et l’envie de lâcher prise autant que possible. Puisque tout bouge et change, il est préférable de ne pas s’agripper à l’impermanent en voulant le faire durer éternellement, mais d’accepter le caractère éphémère des bons moments, des états agréables, des êtres vivants, etc. En outre, j’ai appris à être prête à renoncer à toute relation qui ne répondrait pas à mes priorités et besoins. Finalement, savoir se détacher de toute chose matérielle, affective et psychique peut être difficile, mais cela permet de s’émanciper. Ainsi, se délester de toute dépendance ou attachement qui sont des sources de souffrance, nous apporte la délivrance (Moksha). J’ai plus de difficulté à appliquer aparigraha dans ma relation de couple, lors d’émotions fortes activant mes mécanismes de défense et rendant mes pensées plus obsessionnelles, ainsi que vis-à-vis de mes péchés mignons : le café, le chocolat noir et des verres de vin festifs. J’exerce aparigraha durant mes méditations, lorsque je laisse passer mes pensées tel un nuage, que mes émotions et tout attachement se dissolvent, sans me faire happer par ce qui défile. C’est aussi accueillir sans résistance les moments durant lesquels mon esprit est agité, sans m’agripper aux états lumineux atteints par le passé. L’état d’esprit aparigraha m’a été le mieux enseigné par le livre Untethered Soul [13] de Michael Singer, qui m’a tant aidée à lâcher prise.

    De la sorte, pratiquer la modération, le discernement, le respect et l’équilibre permet d’être heureux(se), sans oublier le lâcher-prise dans le détachement.
    Si le yama permet de se conduire de manière vertueuse, les niyamas sont tout aussi importants, afin d’entretenir une belle qualité d’être intérieure.

    Yoga sur glace

    [1] Entre 200 avant J.-C. et 500 après J.-C., Patañjali compile le savoir de sa philosophie et le chemin vers l’éveil dans le texte Yoga-Sutras.
    Il peut être considéré comme la bible du yoga tant il est reconnu dans le monde du yoga d’hier et aujourd’hui.

    [2] Patañjali, « N°3 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.204

    [3] Patañjali, « N°2 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.199

    [4] Équanimité = égalité d’humeur, sérénité, flegme (Larousse)

    [5] Patañjali, YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991)

    [6] Patañjali, « II.35 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.102

    [7] Patañjali, « II.35 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.103

    [8] Selon Colette Poggi (Docteur en Études Indiennes), le dharma est « ce qui est parfaitement agencé et forme la structure fondamentale du monde, à la fois stable et durable. » Dans la Bhagavad Gîtâ ou l’art d’agir, accomplir son svadharma est réaliser son devoir, sa vocation ou mission personnelle. C’est ce qui maintient l’ordre positif des choses (tels qu’un organisme, une famille, une communauté, une nation et le cosmos). Le lien d’interdépendance nécessite que chaque élément joue son rôle, sa partition, afin de préserver l’harmonie universelle, sociétale, individuelle, etc. À l’échelle individuelle, cela consiste à incarner notre vérité, notre destinée, notre mission de vie.

    [9] Cf. la « pyramide des besoins » ou « pyramide de Maslow » car créée par Abraham Maslow, qui hiérarchise les besoins des individus (besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime et d’accomplissement).

    [10] Patañjali, « II.35 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.103

    [11] Patañjali, « II.38 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.104

    [12] Patañjali, « N°39 », YogaSutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.207

    [13] Michael Singer, The Untethered Soul: The Journey Beyond Yourself, Shanti Publications (2007), Inc. (P)2011 Tantor

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