Le yoga : Mon art de vivre 3/3

par | 2 Juin 2023 | État d’esprit (positif et constructif), Yoga

TEMPS DE LECTURE : 8 minutes

5. PRATYAHARA

Pratyahara est la maîtrise des sens. Effectivement, « quand le mental n’est plus identifié avec son champ d’expérience, il y a comme une réorientation des sens vers le Soi. […] Alors [ceux-ci sont] parfaitement maîtrisés. »[1] Il est d’autant plus important de se recentrer dans notre société au rythme frénétique dans laquelle notre attention est facilement happée vers toutes les sollicitations externes. En effet, se soucier du regard extérieur, se comparer les un(e)s aux autres et juger autrui nous éloignent de nous-même puis sont sources d’insatisfaction, de dualité et de souffrance. J’ai longtemps été tournée vers les autres, endossant le rôle de sauveur, cherchant à faire plaisir à tout le monde, tissant des liens fusionnels, au point d’être dissociée de moi-même, de m’oublier, voire de me perdre dans l’autre. À force, j’ai intégré le fait que, pour vivre la vie qui me correspond vraiment, il est indispensable de développer une connexion inébranlable avec mon for intérieur et de revenir constamment à mes sensations à l’aide du souffle, pour bénéficier ainsi d’une meilleure clarté d’esprit. Aussi, avant de prendre une décision majeure, j’écoute mes ressentis et besoins personnels plutôt que de demander immédiatement l’avis d’autres personnes. De même, lorsque l’on me prodigue des conseils, je ressens si cela me semble juste ou non. Par ailleurs, je cesse d’entraver mon propre chemin et de me mentir en osant agir selon mes aspirations profondes et non pas de façon à plaire aux autres. Quant à mes cours de vinyasa[2], c’est la pratique drishti[3] qui m’aide à rester intra-connectée, à me focaliser sur la ressource dont j’ai besoin à cet instant (i. e. souffle, stabilité, concentration, ouverture, fermeté, relaxation). De manière plus générale, j’essaie de ne pas me laisser perturber par ce qui se passe autour de moi, lorsque l’on s’agite ou que l’on s’énerve. Or, cela est plus difficile lorsque je suis fatiguée, anxieuse et dispersée. À la suite d’un incident ou d’un conflit, je pratique également pratyahara en étant particulièrement à l’écoute de ce qui se passe en moi (i. e. tensions, rythme respiratoire et cardiaque, pensées qui surgissent, etc.), afin de trouver ce que j’ai à apprendre de la situation plutôt que de ruminer les comportements d’autrui. Finalement, nous ne sommes pas nos pensées, ni nos états d’âme, mais la conscience derrière cette psyché. Alors, se poser en observateur(trice) intérieur(eure) est le meilleur moyen de se relier à son essence. Ainsi, pratyahara permet d’avoir une plus grande clarté d’esprit, de ne pas se perdre dans les autres ni de se laisser happer par ses sens, de toujours revenir au souffle qui nous conduit jusqu’à cette conscience inébranlable. De la sorte, nous élevons notre niveau de conscience à l’état de la méditation (dhyana) décrit au point 7.

6. DHARANA

« Dharana, la concentration, consiste à porter son attention vers un espace déterminé. »[4] Cette focalisation dans l’engagement de l’immobilité après les mouvements, calme l’esprit si l’on persévère malgré la difficulté. Cela permet d’éviter la dispersion confuse et troublante. Puis, quand nous « calmons l’agitation du mental ; il devient alors transparent (comme l’eau paisible d’un lac), ce qui permet la relation avec la conscience profonde […], et la réponse devient juste, adéquate ». En outre, « c’est l’évidence, qui apparaît clairement quand plus rien ne vient brouiller la conscience ». Or, pour avoir l’esprit limpide, il est nécessaire « de le nettoyer de tout ce qui l’encombre et nuit au discernement. Alimenté par nos émotions, nos traumatismes, nos schémas habituels, nos interdits culturels ou génétiques, le mental nous entraîne dans la confusion ». Alors, la maîtrise de celui-ci rétabli la clarté. À cette fin, comprenons les éléments qui le dispersent tels que : « la maladie, l’abattement, le doute, le déséquilibre mental, la paresse, l’intempérance, l’erreur de jugement, le fait de ne pas réaliser ce qu’on a projeté, ou de changer trop souvent de projet ».[5] Par ailleurs, « la souffrance, l’anxiété, la nervosité, une respiration accélérée accompagnent cette dispersion »[6] et « pour éliminer cela, il faut centrer sa pratique sur un seul principe à la fois »[7]. Pour ma part, mes perturbations mentales se dissolvent lorsque je ralentis, me connecte à mon souffle, pour être pleinement présente à ce qui est et que je me concentre sur une chose à la fois à l’aide de la pleine présence. La consommation d’oméga 3 aide également à renforcer dharana et cette dernière permet de rentrer dans dhyana.

7. DHYANA

Dhyana (la méditation) « est le fait de maintenir une attention exclusive sur un seul point »[8]. Elle est source de paix car, « grâce à la méditation sur l’infini et au renoncement à l’effort volontariste […] on n’est plus assailli par les dilemmes et les conflits. »[9] Ainsi, dhyana apporte la délivrance. D’ailleurs, « dans la souffrance, qui souffre ? L’ego, parce que le désir du moment n’est pas satisfait, ou qu’il refuse ce qui est, ou qu’il a peur de l’avenir. Et la cause essentielle est toujours la confusion mentale. »[10] D’après Patañjali, « l’état de méditation dans lequel le mental est apaisé, vide d’automatismes, permet d’être en relation directe avec la réalité »[11]. De la sorte, on n’est pas emporté(e) par l’émotion du moment. Cette qualité de présence à chaque instant révèle notre capacité d’être. « Qu’on le nomme Drashtar, l’Atman, le Soi, le Centre, [cette conscience profonde] est une richesse commune à tous les hommes, source d’amour, de vie, de créativité, que, pour la plupart, nous cherchons à l’extérieur, alors qu’elle est en nous. »[12] Afin d’améliorer la qualité de ma pratique dhyana, je vis autant que possible en pleine présence et j’essaie d’effectuer une série d’asanas au préalable à sa pratique.

8. SAMADHI

Le samadhi correspond à l’état parfaitement déconditionné, permettant l’arrêt des pensées automatiques, des conditionnements, des vrittis (fluctuation ou mouvement de la pensée) et la suppression des samskaras[13] qui opère à un niveau plus profond, puisqu’il s’agit « des imprégnations du corps subtil, énergétique, qui viennent des émotions, des traumatismes, non seulement dus à la vie présente, mais aussi aux vies antérieures, ou au patrimoine génétique. »[14] Effacer les blessures de l’inconscient requiert d’atteindre ces couches profondes en dévoilant petit à petit la conscience. De plus, « quand la conscience est en relation avec Cela même qui n’a pas de forme, c’est le Samadhi, atteint par l’accomplissement des trois Samyama[15] : dharana, dhyana et samadhi. »  Néanmoins, le mental, « même sous la forme d’un raisonnement juste, ne peut égaler la connaissance directe »[16] mais « quand dhyana est parfaitement réalisé, c’est le samadhi. » Ayant étudié la transe auto-induite avec Corine Sombrun, je retrouve de nombreuses similitudes avec l’état de samadhi lorsque je la pratique, notamment le fait : d’être en relation directe avec ce que l’on appréhende, sans l’intervention de la pensée, totalement dans l’instant ; que le « je » disparaisse ; que l’on ne soit plus limité(e) par l’activité des sens ; que l’on agisse naturellement et instantanément de façon adéquate.[17] D’autre part, lors d’un éveil spontané de ma kundalini, je me suis également approchée de ce que pourrait être cet état d’unité parfaite, puisque, effectivement, à cet instant suspendu et hors du temps, je me suis sentie unie au grand tout, avec le sentiment de me souvenir de notre source. L’osmose était parfaite, le tout fondu dans l’un. D’après Patañjali, « la pratique du Samyama, donne l’éclat de la connaissance. » Or, « à ce stade l’évolution de la conscience, que l’on appelle Samadhi Parinama, ce ne sont encore que des moments d’attention exclusive ».[18] En revanche, « le samadhi Dharma-Mégha est possible si on est désintéressé(e) dans la pratique du discernement sous tous ses aspects, même dans la méditation à son plus haut niveau » et dans la tradition, ce serait grâce à ce samadhi-là, que les causes de souffrance et le karma s’arrêteraient.

CONCLUSION

In fine, grâce à cette discipline, je suis toujours plus intimement connectée aux parties de mon être, ouverte à l’Amour. Le yoga est pour moi comme une puissante lumière qui transforme le plomb en or. Il m’épanouit, m’élève, me permet de ressentir un bien-être autant psychique que corporel. Il m’aide à appréhender le quotidien avec une souplesse rigoureuse, à naviguer dans le tumulte, voire à m’élever au-dessus des troubles, en mettant le cap sur l’union. Ainsi, je dévoile peu à peu cette harmonieuse conscience qui est, même lorsque l’esprit s’embrume et que le corps se charge.

Enfin affranchi(e)s de nos entraves corporelles, détaché(e)s du matériel, émancipé(e)s de nos conditionnements de penser, de nos automatismes d’agir, de nos imprégnations énergétiques, nous sommes libres, serein(e)s, pleinement la personne que nous sommes. Nos énergies circulent, garantissant une meilleure santé, de la vitalité et de la joie. Le yoga me passionne parce qu’il est une source intarissable de transformation de l’être, aussi profonde qu’holistique.

Aujourd’hui mon souhait est de poursuivre sur cette voie yogique, car mon âme a soif d’équanimité et mes énergies ne dansent plus que la fluidité.

Ode à chaque yogi(ni) :

« Ton épanouissement sain,
Ce doux souffle Divin,
Porteur d’Amour puissant,
Just surrender.
Fais le bien en ton sein, tu le rayonneras sans fin,
Om Loka Samasta Sukhino Bhavantu.[19]
Iti. »

– Justine –

Om purnamadah purnamidam
Purnat purnamudacyate
Purnasya purnamadaya
purnamevavasisyate
Om santisantissantih

« Ceci est le tout ; cela est le tout ;
De cet ensemble, le tout est venu ;
De cet ensemble, le tout s’est retiré ;
Ce qui reste est le tout.
Om, La paix dans mon cœur,
la paix les uns avec les autres,
la paix dans le cosmos. »

Om purnamadah purnamidam
Purnat purnamudacyate
Purnasya purnamadaya
purnamevavasisyate
Om santisantissantih

« Ceci est le tout ; cela est le tout ;
De cet ensemble, le tout est venu ;
De cet ensemble, le tout s’est retiré ;
Ce qui reste est le tout.
Om, La paix dans mon cœur,
la paix les uns avec les autres,
la paix dans le cosmos. »

[1] Patañjali, « N°54 » et « N°55 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.208

[2] Vinyasa = type de yoga qui synchronise le souffle et le mouvement.

[3] Pratique drishti = dans laquelle on choisit un point de fixation et de concentration du regard.

[4] Patañjali, « N°1 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.209

[5] Patañjali, « N°30 » et « N°31 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.201

[6] Patañjali, « N°32 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.201

[7] Ibid.

[8] Patañjali, « N°2 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.209

[9] Patañjali, « N°47 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.208

[10] Patañjali, « II.10 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.78

[11] Patañjali, « II.10 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.79

[12] Patañjali, « I.3 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.21

[13] Samskara = résidu des vies antérieures, imprégnations énergétiques, mémoires, forces de l’habitude.

[14] Patañjali, « III.9 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.129

[15] Patañjali, « N°3 », « N°4 » et « N°5 » Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.209

[16] Patañjali, « I.11 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.27

[17] Patañjali, « III.4 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.124

[18] Patañjali, « III.11 », Yoga–Sutras (trad. française et commentaires de Mazet F.), Albin Michel (1991), p.131

[19] Traduction (dont je n’ai la source) : « Que tous les êtres de tous les mondes deviennent heureux et libres. »

 

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